La raison pour laquelle les jeunes adultes (18/25 ans) poussent la porte du cabinet est parfois bien identifiée : un événement malheureux les a déstabilisés (rupture sentimentale, découverte de la réalité du monde professionnel…) ; et parfois floue : une impression diffuse de « malaise », comme un voile de fébrilité, vulnérabilité, hésitation.
Contrairement à beaucoup de personnes que je vois arriver en situation de détresse, ils sont rarement acculés, accablés par une intensité de souffrance qui laisse peu de latitude et qui à un moment donné, dans un sursaut d’instinct de survie, pousse à appeler à l’aide. Ils sont très attentifs à leur état émotionnel, ils n’attendent pas d’être submergés. Parfois même, ils me donnent l’impression de prendre les devant.
Très vite, et très facilement, ils investissent l’espace de thérapie. Comme un terrain d’exploration pour se comprendre, pour comprendre les réactions qui les animent et qui parfois les dépassent.
Ils cherchent, ils observent, écoutent, ressentent ce qui se passe à l’intérieur d’eux mêmes, assez spontanément et avec une curiosité dynamique et enthousiaste.
Ils se lancent littéralement à la découverte d’eux mêmes comme ils partiraient à la découverte d’une terre inconnue. Ils n’hésitent pas, ils y vont. Avec appréhension et peur. Avec excitation. Avec prudence… Avec tout ça, ils y vont, courageusement.
Comme s’ils avaient intégré, ce prérequis nécessaire pourtant pas si simple à accepter, qu’on ne peut agir que sur ce qui nous appartient. Et là où d’autres se lamentent sur le « que » et épuisent leur énergie sur ce qui leur échappe, eux entendent leur capacité d’action et y concentrent tous leurs efforts! « Let’s go »
Chez ces jeunes personnes j’observe des frustrations mais peu de victimisation. Peu d’accusations dirigées contre les autres. Rapidement leur regard opère un 180 degré vers eux mêmes. Cette capacité quasi réflexe m’interpelle.
Elle me fait l’effet d’une grande lucidité ; jamais résignée, bien au contraire : optimiste et confiante. Comme une compréhension assez immédiate que s’il ne sont pas responsables de leur histoire, ils sont responsables de ce qu’ils en font. Comme une connaissance intuitive de leur propre pouvoir. Sans même savoir en quoi il consiste réellement, avant même de le contacter et de le mettre en acte, ils ont foi en lui… Et cette conviction les porte, les pousse en avant pour entrer dans le monde et dans la vie ; pour y prendre leur place.
L’élan de cette jeunesse me surprend, m’épate et me réjouis !
Je suis littéralement bluffée par leur maturité et leur sens aiguë de la notion de responsabilité. Ils veillent à se libérer de leurs blessures pour ne pas en faire porter le poids aux autres. Ils font leur part. Pour s’ouvrir à la possibilité de relations vraies, libres et respectueuses.
Je vis comme un privilège de les accompagner dans ce voyage. Je m’émerveille avec eux de tous ces possibles qu’ils découvrent, de ces expériences inédites qu’ils vivent avec passion. J’écoute leurs doutes, leurs tâtonnements et j’assiste à la naissance de leurs choix qui les révèlent comme personne unique, entière, et toujours entrain de devenir : devenir qui ils sont profondément, essentiellement, en conscience, dans leurs ressentis, leurs pensées et leurs actes.
Un processus qui prend corps. Un processus qui va vite. Au terme de quelques séances, ils s’envolent… Fort de cette confiance qu’ils apprivoisent à peine et qu’ils ont hâte d’engager dans la vie.
Leur départ me laisse pleine de confiance, de joie et de gratitude. Comme un vent de fraîcheur et d’allégresse qui balaye et régénère avec grâce les discours pessimistes ambiants. Je crois dans cette propension à se questionner et à se mettre en mouvement ; j’y vois le terreau pour cette révolution nécessaire que nous imposent les défis du monde d’aujourd’hui et de demain. Impression que cela commence là, avec eux ; qu’ils sont prêts et que nous pouvons leur faire confiance.